Des mites au logis

Publié le par Val

Evidemment, pour porter un avis complet et sûrement plus légitime sur les nouvelles mythologies, rédigées sous la direction de Jérôme Garcin, j'aurais sans doute du me fendre de la lecture des mythologies de Roland Barthes, de 1957.
Je commence donc cet article par de plates excuses étalées devant toi, ô mon lectorat bien aimé, telles un tapis de roses fraîches déposées à tes pieds souverains.



Je peux, malgré tout, vous faire part de mon sentiment, mon vécu du ressenti de l'intérieur de moi, après avoir refermé ces quelques pages avec toute la précaution d'un Merlin bicentenaire refermant son grimoire.

Distrayant.
Voilà ce qu'il ressort de ma balade parmi ces nouvelles mythologies.
Distrayant. Rien de plus, rien de moins.
Evidemment si j'en avais attendu un essai sérieux sur la propension de notre société individualo-mercantile à se créer des besoins aussi ridicules que vains, je serais déçue.
Heureusement pour moi, ce n'était pas mon objectif.

Le 50ème anniversaire du livre de Barthes a été le prétexte déclencheur de ce petit bouquin sympathique, agréable la plupart du temps, mais trop souvent paresseux.
Je m'explique : Jérôme Garcin n'a pas écrit ce livre, il en a dirigé la rédaction. En gros ça veut dire que c'est lui qui a passé commande des différents articles auprès des penseurs de notre temps (dans un sens très large...) et qui les a sans doute reçus par la Poste avant de les amener jusqu'aux portes du Seuil (jeu de mot navrant dont malheureusement pour vous je crains de ne jamais me lasser).
Plus de cinquante auteurs ont accepté de collaborer à ce projet, et ont rédigé, chacun à leur manière, un article sur un sujet propre à notre époque. L'ensemble est particulièrement hétéroclyte, ce qui fait dire à la quatrième de couverture (façon de parler, puisque bien sûr elle ne parle pas, justement) que l'"on ouvre le bazar des années 2000."
L'image est tout à fait juste : on passe d'un article sur Kate Moss à un micro-essai sur le déclinisme. Vous trouverez au rayon nouvelles technologies : le SMS, le WIFI, Google, le blog, etc... A l'étage économie de ce grand bazar qui n'est pas à l'hôtel de ville (je suis décidément très en forme) vous trouverez : le commerce équitable, la capsule Nespresso, le phénomène Ducasse, la délocalisation, etc.
Le principe est amusant, vous en conviendrez (arrêtez de rire, vous en faîtes trop) mais pour aboutir à une vraie réussite, me semble-t-il, il aurait fallu soit traiter 3 fois moins de sujets, soit accoucher d'un livre trois fois plus gros.
Certains articles tiennent à peine sur 2 pages, alors que le sujet en aurait mérité beaucoup plus. Le chapitre sur le blog en est un bon exemple.
On a vraiment le sentiment que certains auteurs n'ont pas cassé leur pointe de Mont-Blanc en cherchant l'inspiration : il est clair qu'ils ont expédié leur ouvrage, motivés par le seul souhait "d'en être" (Beigbeder pour ne pas le citer). Pas très sympa pour le lecteur qui, à certains moments, se demande si on ne moque pas un tout petit peu de sa pomme.
Heureusement ces passages paresseux sont effacés par plusieurs pépites et autres perles de lecture...(Pascal Bruckner sur "la nouvelle Eve" ou Nicolas Baverez sur "le plombier polonais", et aussi Georges Vigarello sur "Parce que je le vaux bien" par exemple).

Comme le bon vin je pense que ce millésime gagnera à être conservé au frais pendant quelques temps, pour se bonifier et prendre un peu de densité.
Le lire aujourd'hui c'est s'amuser des tics et tocs de nos contemporains, le relire dans vingt ou trente ans avec la nouvelle génération sera sans aucun doute le prétexte donné à des discussions passionnantes.
On jettera alors un regard amusé et tendre sur le début des années 2000, en se rappelant d'un coup que les femmes se promenaient toujours avec "un grand cabas de fille", que les hommes (et pas qu'eux) s'émouvaient devant "le corps nu d'Emmanuelle Béart" sortant de l'eau sur la couverture de ELLE et que partout on pouvait lire "Fumer tue"...

Dommage que Barthes n'ait pas pu nous raconter tout ça.

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E
Moralité: il vaut mieux lire celui de Barthes et attendre 50 ans pour lire celui-ci? ça me va...
Répondre
V
<br /> C'est une possibilité! Mais celui-ci sera sans doute tombé dans les oubliettes d'ici 50 ans...<br /> <br /> <br />