suppo-sition
Mais que serions-nous sans les pharmaciens, je vous le demande?
Ces dealers adoubés par la loi qui nous fournissent au grand jour notre dose d'anxiolytiques et autres traitements au long cours, commerçants du mal-être, du mal-vivre et du mal-à-tout déguisés en hommes de science, par le pouvoir ancestral de la blouse blanche.
Ayant rendu les armes après 48h de lutte acharnée contre une angine qui finalement aura eu raison de moi, je suis rentrée cet après-midi au nid douillet, après m'être traînée comme une âme en peine dans le métro, suante et à moitié occie, l'oeil brillant rien qu'à l'idée de l'eskimau au chocolat qui m'attendait dans le congélo et dont la froideur mettrait un terme, au moins temporairement, à l'incendie qui dévorait ma gorge.
Avant de m'effondrer sur mon lit je me suis fait un devoir de faire un crochet par la pharmacie, pour me doter de l'attirail nécessaire à un week-end paisible. Et oui cher lecteur, sache que je ne tombe jamais malade en semaine, seulement le week-end. En fait la semaine je suis malade, et le week-end je tombe. Tout ça est très logique, finalement. De rien la Sécu, tout le plaisir est pour moi.
La main crispée sur ma boîte de pastilles à la sauce antalgique, je pénétrai d'un pas chancelant dans l'officine et me plaçai dans une file d'attente.
La mauvaise file, bien évidemment, parce qu'à la pharmacie c'est comme chez Carrefour : la bonne file, fluide, qui avance en continu, c'est forcément l'Autre.
Il y a longtemps que je l'ai compris, du coup je ne m'énerve même plus.
Devant moi une dame au nez ruisselant et à la voix cassée se faisait servir le genre de kit que je rêvais d'acheter, et je me voyais déjà m'accoudant au comptoir lorsque mon tour viendrait en hurlant au patron : la même chose!!!!
Oui mais voilà, la Dame avait aussi besoin de causer.
Et dans les pharmacies de quoi les gens ont-ils envie de parler?
De MALADIE.
A ce moment-là, la pharmacienne s'est penchée vers la dame avec un air de conspirateur mettant au point un assassinat autour d'un feu de camp, et lui a sussuré:
- "alors comme ça votre maman ne va pas mieux?".
Putain! que les gens fassent des messes basses pour expliquer aussi discrètement que possible qu'ils ont fait une allergie au dernier lavement qu'on leur a prescrit et que depuis ils ont le trou de balle comme une trompette, je peux comprendre, mais quel besoin d'aller raconter les aléas médicaux de chaque branche de son arbre généalogique?!!
-"Nan. Ses ulcères ne cicatrisent pas, c'est tout purulent. et en plus ça la démange, c'est horrible."
Pffff....J'avais pas de nausée jusque là, et pourtant, je sentais mon estomac qui commençait à prendre l'ascenseur...C'est là que j'ai sorti ma gueule des mauvais jours, celle qui veut dire en substance à la pilonneuse d'herbes de Provence: moi aussi je suis malade, moi aussi je voudrais rentrer chez moi avec un kit de survie, j'en ai rien à carrer des ulcères de la mère de la bouffonne qu'est devant moi, alors tu te bouges le cul!!!!!
Mais le pharmacien n'est pas un commerçant comme les autres, non. C'est un professionnel de la santé, madâââââme. Il ne vend pas de vulgaires boîtes, c'est un expert, pas un vendeur de supermarché.
Mouais, en même temps pour vendre des capotes et des cotons-tiges, le bac plus 5 ou 7 est-il réellement indispensable?
Bref, la pharmacienne avait décidé de faire durer la conversation alors j'ai essayé de me distraire en regardant autour de moi, au hasard.
Et c'est là que j'ai vu les petites brochures posées sur une étagère à ma gauche.
Vous parlez de me distraire... j'avais le choix entre "l'incontinence n'est pas une fatalité", "la cystite sans tabou" et "soyez plus malin que le mélanome".
Une sorte de malaise m'a alors envahi, et du coup j'en ai oublié mon mal de gorge.
J'étais trop occupée à contrôler les grains de beauté de mes avant-bras et à retenir une terrible envie de pisser.
Mon tour est enfin arrivé et j'ai pu expliquer à la professionnelle de santé qui me faisait face que j'avais très mal à la gorge et que je voulais une nouvelle boîte des pastilles que je lui ai montrée. Je m'en suis remise à elle pour tout traitement complémentaire qu'elle jugerait opportun.
C'est là qu'elle m'a regardée bizarrement.
Après une hésitation qui m'a semblé interminable :
-"Vous n'aimez pas les suppositoires alors je ne vous en propose pas. C'est dommage parce que c'est ce qu'il y a de plus efficace contre le mal de gorge."
Pour être honnête, DEUX choses m'ont surprise dans sa phrase :
1- D'où tient-elle que je "n'aime pas" les suppositoires? On s'est croisées dans une suppo-party et je lui ai dit "non, merci, moi j'aime pas ça"? Si c'est ça j'ai oublié.
Et puis vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui supplient pour avoir des suppos?!!! Je ne pense pas qu'on "aime" les suppos, mais au moins on fait avec...
2- "Les suppos sont ce qu'il y a de plus efficace contre le mal de gorge".
Là, je dois dire qu'en dépit de mon état général délabré, j'ai bien failli piquer un fou rire toute seule (c'est à cause de réplique de ce genre que je ne rentre JAMAIS dans une pharmacie avec l'Emmerdeuse).
En tout cas, j'ai été sage et j'ai acheté mon kit complet, en la rassurant sur mon absence de peur à l'égard des suppositoires.
Je suis sortie de la pharmacie et j'ai continué à pieds jusque chez moi, l'esprit préoccupé par une question :
Existe-t-il du sirop pour soigner les hémorroïdes?
Ces dealers adoubés par la loi qui nous fournissent au grand jour notre dose d'anxiolytiques et autres traitements au long cours, commerçants du mal-être, du mal-vivre et du mal-à-tout déguisés en hommes de science, par le pouvoir ancestral de la blouse blanche.
Ayant rendu les armes après 48h de lutte acharnée contre une angine qui finalement aura eu raison de moi, je suis rentrée cet après-midi au nid douillet, après m'être traînée comme une âme en peine dans le métro, suante et à moitié occie, l'oeil brillant rien qu'à l'idée de l'eskimau au chocolat qui m'attendait dans le congélo et dont la froideur mettrait un terme, au moins temporairement, à l'incendie qui dévorait ma gorge.
Avant de m'effondrer sur mon lit je me suis fait un devoir de faire un crochet par la pharmacie, pour me doter de l'attirail nécessaire à un week-end paisible. Et oui cher lecteur, sache que je ne tombe jamais malade en semaine, seulement le week-end. En fait la semaine je suis malade, et le week-end je tombe. Tout ça est très logique, finalement. De rien la Sécu, tout le plaisir est pour moi.
La main crispée sur ma boîte de pastilles à la sauce antalgique, je pénétrai d'un pas chancelant dans l'officine et me plaçai dans une file d'attente.
La mauvaise file, bien évidemment, parce qu'à la pharmacie c'est comme chez Carrefour : la bonne file, fluide, qui avance en continu, c'est forcément l'Autre.
Il y a longtemps que je l'ai compris, du coup je ne m'énerve même plus.
Devant moi une dame au nez ruisselant et à la voix cassée se faisait servir le genre de kit que je rêvais d'acheter, et je me voyais déjà m'accoudant au comptoir lorsque mon tour viendrait en hurlant au patron : la même chose!!!!
Oui mais voilà, la Dame avait aussi besoin de causer.
Et dans les pharmacies de quoi les gens ont-ils envie de parler?
De MALADIE.
A ce moment-là, la pharmacienne s'est penchée vers la dame avec un air de conspirateur mettant au point un assassinat autour d'un feu de camp, et lui a sussuré:
- "alors comme ça votre maman ne va pas mieux?".
Putain! que les gens fassent des messes basses pour expliquer aussi discrètement que possible qu'ils ont fait une allergie au dernier lavement qu'on leur a prescrit et que depuis ils ont le trou de balle comme une trompette, je peux comprendre, mais quel besoin d'aller raconter les aléas médicaux de chaque branche de son arbre généalogique?!!
-"Nan. Ses ulcères ne cicatrisent pas, c'est tout purulent. et en plus ça la démange, c'est horrible."
Pffff....J'avais pas de nausée jusque là, et pourtant, je sentais mon estomac qui commençait à prendre l'ascenseur...C'est là que j'ai sorti ma gueule des mauvais jours, celle qui veut dire en substance à la pilonneuse d'herbes de Provence: moi aussi je suis malade, moi aussi je voudrais rentrer chez moi avec un kit de survie, j'en ai rien à carrer des ulcères de la mère de la bouffonne qu'est devant moi, alors tu te bouges le cul!!!!!
Mais le pharmacien n'est pas un commerçant comme les autres, non. C'est un professionnel de la santé, madâââââme. Il ne vend pas de vulgaires boîtes, c'est un expert, pas un vendeur de supermarché.
Mouais, en même temps pour vendre des capotes et des cotons-tiges, le bac plus 5 ou 7 est-il réellement indispensable?
Bref, la pharmacienne avait décidé de faire durer la conversation alors j'ai essayé de me distraire en regardant autour de moi, au hasard.
Et c'est là que j'ai vu les petites brochures posées sur une étagère à ma gauche.
Vous parlez de me distraire... j'avais le choix entre "l'incontinence n'est pas une fatalité", "la cystite sans tabou" et "soyez plus malin que le mélanome".
Une sorte de malaise m'a alors envahi, et du coup j'en ai oublié mon mal de gorge.
J'étais trop occupée à contrôler les grains de beauté de mes avant-bras et à retenir une terrible envie de pisser.
Mon tour est enfin arrivé et j'ai pu expliquer à la professionnelle de santé qui me faisait face que j'avais très mal à la gorge et que je voulais une nouvelle boîte des pastilles que je lui ai montrée. Je m'en suis remise à elle pour tout traitement complémentaire qu'elle jugerait opportun.
C'est là qu'elle m'a regardée bizarrement.
Après une hésitation qui m'a semblé interminable :
-"Vous n'aimez pas les suppositoires alors je ne vous en propose pas. C'est dommage parce que c'est ce qu'il y a de plus efficace contre le mal de gorge."
Pour être honnête, DEUX choses m'ont surprise dans sa phrase :
1- D'où tient-elle que je "n'aime pas" les suppositoires? On s'est croisées dans une suppo-party et je lui ai dit "non, merci, moi j'aime pas ça"? Si c'est ça j'ai oublié.
Et puis vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui supplient pour avoir des suppos?!!! Je ne pense pas qu'on "aime" les suppos, mais au moins on fait avec...
2- "Les suppos sont ce qu'il y a de plus efficace contre le mal de gorge".
Là, je dois dire qu'en dépit de mon état général délabré, j'ai bien failli piquer un fou rire toute seule (c'est à cause de réplique de ce genre que je ne rentre JAMAIS dans une pharmacie avec l'Emmerdeuse).
En tout cas, j'ai été sage et j'ai acheté mon kit complet, en la rassurant sur mon absence de peur à l'égard des suppositoires.
Je suis sortie de la pharmacie et j'ai continué à pieds jusque chez moi, l'esprit préoccupé par une question :
Existe-t-il du sirop pour soigner les hémorroïdes?